Les vins du Québec

A moins d’avoir étudié l’œnologie ou d’avoir lu des livres sur le vin, il y a peu de chances que vous ayez entendu parler des vins du Canada, et encore moins des vins du Québec. Et pour cause : les vins canadiens ne s’exportent pas, car ils sont réservés à la consommation locale. C’est donc avec énormément de curiosité et d’impatience que nous sommes partis à leur découverte, notamment des mythiques vins de glace, cidres de glace et cidres de feu. Alors, que valent les vins québécois ?

Le Québec, l’étoile montante de la viticulture

Comme je vous l’évoquais dans le guide sur le Canada, il y a 3 grosses régions productrices de vin au Canada, à savoir le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique (la production de la Nouvelle-Ecosse est encore très faible). Si les deux dernières sont relativement réputées et gagnent régulièrement des concours internationaux de vin, il en est autrement de ceux du Québec, encore méconnus et victimes d’une réputation passée de vins de piètre qualité.

Pourtant, depuis ses débuts difficiles dans les années 70, le Québec a multiplié sa production et la qualité des vins est en constante augmentation. De plus, avec le réchauffement climatique, le climat devient de plus en plus propice à la viticulture. Cela n’impacte pas (encore) la production du vin de glace, contrairement à l’Ontario, dont les hivers de plus en plus cléments commencent à rendre difficile leur fabrication dans cette région.

 

Carte des vins du Québec

carte des départements québécois producteurs de vin

Il y a 9 régions productrices de vin au Québec. On recense au total 127 vignobles, sans compter ceux qui ont choisi de ne pas être membre d’une des deux associations de vignerons, l’AVQ (association des vignerons du Québec) et l’ADVQ (association pour le développement de la vini-viticulture au Québec). La superficie totale avoisine les 650ha, donc 450 dédiés à la production de vin.

On retrouve désormais une première appellation contrôlée, l’appellation Vin du Québec certifié, qui regroupe 66 vignobles à l’heure actuelle (chiffres indiqués sur le site de l’association des vins du Québec). On distingue les 142 vins certifiés grâce à leur logo. Le dernier vigneron avec qui nous avons discuté nous a indiqué qu’ils étaient en passe de passer en IGP (indication géographique protégée).

Les types de vins

P1010668
l’assortiment complet des vins spéciaux canadiens

Outre les vins tranquilles « classiques », on retrouve également des vins très spécifiques aux régions froides, comme le vin de glace et le cidre de glace. On trouve également le cidre de feu.

Vin de glace (icewine)

Le vin de glace est un vin élaboré à partir de raisins gelés. C’est un vin très coûteux, en raison de son mode de production très difficile.

Concrètement, les vendanges sont effectuées très tardivement, pour deux raisons : la surmaturation du raisin (pour concentrer les arômes et le sucre), et l’attente des premiers gels. Au moment où la température atteint au minimum -8° au moins 2 jours de suite, on peut commencer la récolte. On presse alors le raisin (cryoextraction, où seul le jus du raisin gelé est extrait), et le processus de fermentation classique commence. A terme, on obtient des vins liquoreux, très riches en arômes et complexes.

Le vin est très coûteux, car il nécessite plus de travail pour une production très réduite, et comporte beaucoup de risques.

  • en raison de l’attente des premiers gels (aux environs de novembre), il faut régulièrement protéger les vignes avec des filets, pour éviter que les oiseaux migrateurs ne viennent picorer les raisins ;
  • il arrive que le gel soit trop tardif et que la production soit entièrement ratée ;
  • la sur-maturité sur souche fait perdre entre 40 et 70% du jus du raisin ;
  • la récolte se fait de nuit, pour éviter qu’un froid nocturne trop extrême ne congèle complètement les raisins ;
  • lorsque l’on presse les raisins, l’eau congelée est perdue, faisant encore perdre une quantité de mout.

Toutes ces contraintes justifient son prix, ce qui en fait un vin rare et confidentiel.

Depuis peu, le produit est passé en appellation contrôlée, car certains producteurs congelaient les raisins de manière artificielle, ce qui résultait en des vins de moindre qualité, salissant le prestige de ce vin d’exception.

Cidre de glace

Le cidre de glace est un cidre élaboré exactement comme le vin de glace ; on attend que les pommes soient gelées pour les récolter. Les cidres produits sont très riches en arômes, et sont véritablement délicieux. A noter que contrairement aux cidres traditionnels européens, les cidres québécois s’apparentent plus à du vin (11 / 12° d’alcool et non effervescents). Un peu moins cher que le vin de glace, il reste cher, étant donné les contraintes et le nombre de pommes nécessaires à sa fabrication.

Cidre de feu

Méconnu du grand public, le cidre de feu est élaboré comme le sirop d’érable : on fait bouillir le mout avant de faire fermenter, ce qui concentre ses arômes. Le cidre obtenu possède une garde de plus de 10 ans. C’est un cidre assez onéreux également, car l’ébullition du mout entraine une perte de 75% du jus.

 

Liste des principaux cépages québécois

vignes en pleine nouaison sur le domaine les Brome

Pour pouvoir résister aux froids extrêmes de la région, les cépages sont majoritairement des hybrides de vitis vinifera européens et de vignes sauvages. Grâce à ces croisements, les vignes peuvent résister jusqu’à -37° selon les cépages.

Avec le réchauffement climatique, il est désormais possible de planter des cépages rouges, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. On retrouve à l’heure actuelle une quarantaine de cépages ; voici les principaux.

 

Cépages blancs

Vidal

Le vidal est un croisement de trebbiano et de rayon d’or. C’est le cépage le plus utilisé pour la fabrication des vins blancs au Québec, et le cépage le plus utilisé pour la fabrication des vins de glace, grâce à sa résistance hors normes au froid, et son taux élevé en sucre tout en gardant une belle acidité.

Seyval

Le seyval est un croisement entre deux cépages seibel, et on peut également le retrouver en France. Il a des arômes caractéristiques de citron, et offre une belle minéralité.

Vandal-cliche

Le vandal-cliche est un hybride des cépages aurore, chancellor, Prince of Wales et vitis riparia. On le retrouve principalement sur l’île d’Orléans. Il est très productif, mais également très sensible aux maladies de la vigne comme le mildiou ; par conséquent, il nécessite des sites venteux et ensoleillés. On retrouve des arômes de poire, de pomme et de melon.

Saint-Pépin

Le saint-pépin est un hybride d’hybrides, croisement entre le seyval, de minnesota et de seybel. Il produit des vins très fruités de type riesling, et est généralement utilisé en assemblage.

 

Cépages rouges

Sainte-croix

C’est le cépage rouge le plus utilisé au Québec, car il résiste jusqu’à -38°. C’est un croisement entre deux cépages ES. Il donne de bons vins rouges fruités.

Frontenac rouge

Le frontenac est un hybride de landot et d’une sélection de vitis riparia. Il présente des arômes caractéristiques de cerises et de fruits rouges. Il produit des vins de bonne qualité lorsqu’il est bien vinifié.

Maréchal Foch

Cépage d’origine française développé en Alsace, le maréchal foch serait un croisement entre le goldriesling (lui-même un hybride) et de vitis riparia. On le trouvait couramment en Loire, mais il est depuis très anecdotique en Europe, surtout depuis les normes européennes sur les hybrides. C’est un cépage assez souple, en ce sens qu’il peut aussi bien donner des vins très fruités de type beaujolais à des vins plus intenses aux arômes de fruits noirs et de chocolat.

 

Quels vignobles visiter au Québec ?

Vu la taille du Québec, cela dépend fortement de l’endroit où vous serez. Voici mes recommandations pour Québec et Montréal.

Québec : île d’Orléans

Vignoble du Mitan

Situé sur l’île d’Orléans, ce vignoble est assurément notre coup de cœur parmi les vins du Québec. Il dispose d’une gamme d’une dizaine de vins, composée de vins blancs secs, liquoreux, vins de glace et vins rouges fruités. Il est possible de tous les déguster pour la modique somme de 5$, plus 2$ pour le vin de glace (taxes comprises). Si les 2 rouges ne nous ont pas emballés, les autres valent tous le détour, sans exception. De plus, ils sont tous à des prix abordables (excepté le vin de glace, mais ça, c’est normal). Un must si vous êtes dans le coin !

 

Domaine de la source à Marguerite

Initialement une cidrerie, le domaine fait également des vins. Après la dégustation précédente et les kilomètres à vélo parcourus, nous nous sommes cantonnés aux différents cidres, tous d’excellente facture. Dégustation gratuite, et coup de cœur sur le cidre classique, un excellent rapport qualité prix (n’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’un cidre normand ou breton, mais plutôt d’un vin de pomme).

 

Isle de Bacchus

Il est possible de goûter à 5 vins du domaine pour 5$, y compris le vin de glace. Ils sont tous d’excellente facture, que ce soit les blancs, le rosé ou les rouges. Bonus pour le propriétaire et son accent québécois ultra prononcé, tellement sympathique qu’on a envie de lui acheter toute sa gamme.

 

Sainte-Pétronille

Malheureusement, lorsque nous sommes arrivés au domaine après avoir fait le tour de l’île, il était déjà fermé (il a fermé à 17h au lieu des 18h annoncées). C’est le plus visité de l’île, et il est assez réputé. La vue sur les vignobles et le fleuve est superbe.

 

Montréal : Cantons-de-l’Est

Domaine Les Brome

Le domaine Les Brome a été créé il y a bientôt 10 ans par Léon Courville, ancien ponte de la finance passionné de vin qui a vu en cet endroit le potentiel de fabriquer des vins d’excellente qualité. Pari réussi: les vins sont effectivement de très belle qualité, qu’ils soient blancs, rouges ou rosé.

 

Château de cartes

dégustation privée dans la cave du domaine, top !

Comme pas mal de producteurs dans la région, le domaine château de cartes a débuté en tant que cidrerie. La raison est simple: comme il faut au minimum 5 ans avant que la vigne puisse donner des raisins de qualité suffisante pour faire du vin, en plantant des pommiers et en faisant du cidre, il est possible de rentabiliser l’investissement. Nous avons goûté un excellent mousseux rosé fabriqué selon la méthode traditionnelle champenoise, et avons eu la chance d’assister au dégorgement manuel d’une bouteille. Une nouvelle fois, une très belle qualité; gros coup de cœur pour le frontenac noir, absolument magnifique.

 

Vignoble de la bauge

Le vignoble de la bauge est le seul vignoble mécanisé que nous avons pu voir. Les vignes sont vendangées avec une machine qui collecte les raisins sans toucher aux rafles en secouant les feuilles, et par conséquent, il n’y a aucun vin tannique ici (les tannins proviennent des rafles). La gamme de vin est plus réduite que dans les autres vignobles visités, mais sont d’excellente qualité également. Mention spéciale pour le rassemble-heure, un vin rouge de très grande qualité à un prix assez exceptionnel pour un vin du Québec (12$).

 

Conclusion

Vous l’aurez compris, nous avons été considérablement bluffés par la qualité des vins du Québec. Lors de nos visites, nous avons rencontré des vignerons passionnés par le vin, et non pas par l’appât du gain. D’ailleurs, lorsque l’on voit les difficultés qu’ils rencontrent, il faudrait être fou pour penser le contraire.

Je suis intimement convaincu que ces vins auront bientôt la place au soleil qu’ils méritent et je me réjouis d’ores et déjà de pouvoir m’en procurer !

Derniers articles

sur le même sujet